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söndag 6 maj 2012
Valéry et La tentation de l’esprit par Marcel Raymond (1946).
Sur les vers anciens
Valéry, à dix-neuf ans, est déjà lui-même, dans cette poésie qui se voudrait sans aveu, degagé du trop humain de la vie sentimentale, architecture et musique.
Quant à Valéry, il n’attend pas de la poésie qu’elle lui révèle “un autre monde”, ou “un arrière-monde”, qui existerait avant elle et don’t elle serait une imitation, ou une figure allusive. Il lui suffit que la poésie étant parfaitement elle-même, transcende les choses humaines; et il pense qu’un esprit lucide, maître absolu de ses moyens, peut suffire à l’édifier.
L’eau riande et la danse infidèle des vagues…
”infidèle” a le sens latin d’infidus, ”changeant”. Pareillement, c’est le latin evadere qui justifie la chevelure “evasive” aux doigts de la fileuse.
Mais ces latinismes et ses diverses figures ne repondent pas à un simple préjugé d’humaniste.
Ce qui importe, c’est d’essayer de ressusciter dans le langage l’impression, avec sa fraîcheur et sa teneur ontologique. A cela prétendait Rimbaud, qui voulait que le poète entreprît ”un long, immense et réglé dérèglement de tous les sens”.
Si nos sense sont réglés par l’habitude que nous avons des choses, dans un monde qui s’est peu à peu stéréotypé sous nos regards, chaque sensation étant limitée par l’usage que nous faisons des objets, par l’idée que nous en prenons, l’essentiel est de rompre ces liaisons, ces scellés apposés au langage, et de chercher un contact profond et réel avec les choses, c’est-à-dire avec nous-mêmes, (Bergson a développé ces pensées, qui se trouvent, dès 1894, dans l’Introduction à la method de Léonardo de Vinci).
Ainsi se forment des comprimés linguistiques, des metaphors qui detonent, semblables à des cartouches d’artificier (dira un jour Lucien Fabre), parce qu’elles font court-circuit entre des mots que l’usage sépare, et qu’elles favorisent, par le truchement du langage, de nouvelles et violentes syntheses des qualities et des elements de l’univers.
Eté, roche d’air pur…
Le réflexe du lecteur, prisonier de ses habitudes, est de fuir aussitôt cette image “impossible”, pour se représenter quelque roch ruisselante, au bord de la mer. Ce faisant, il détruit l’image, il se refuse à son intensité plénière, au lieu de l’avaler telle quelle, pour sentir par tout son être la presence irréfutable de l’air dense et chaud, compact, le grain pur de ses molecules.
La poésie, c’est d’abord cette alchimie verbale, ces abus et transmutations. Mais ceux-ci sont commandés ici par une conscience aiguë des mouvements du corps dans le monde, du corps poreux et penetrable, assimilable au monde. Là est l’intérét des “trouvailles”, longtemps cherchées sans doute, qui donnent leur personalité aux vers anciens.
Cependant, les idées de la vie auxquelles Valéry donne ses préférences (peu importe qu’il assure devoir ses themes à la deduction logique ou au hazard) sont celle du triomphe, de la gloire, qui sonne avec les fanfares du soleil, et celle de la tendresse, de l’abandon, murmurant à la nuit ou dans le crepuscule. Gide rapport que son ami, vers 1890, répétait avec insistence un mot qu’il attribuait à Cervantes : comment cacher un home? Et c’est Valéry lui-même qui se trahit par ces deux mouvements antagonists : l’aspiration à la toute-puissance, ou à un état d’hypersensibilité voluptueuse.
Mais ces deux idées de la vie se presentment souvent l’une et l’autre sous les apparences de l‘eau, tantôt de l’eau jaillissante, violente, l’eau de la mer, tantôt de l’eau dormante, doux-coulante, l’étang, la fontaine. Hantée par une humeur fluide, meme si elle n’est pas faite d’images liquids, cette poésie aime à s’étaler en nappe tranquilles, ou à se rassembler en vagues, en masse verbales, percutantes.
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